Le marché asiatique des cosmétiques est le nouveau marché mondial
Le marché asiatique des cosmétiques est le nouveau marché mondial, celui où de plus en plus, les grands groupes iront chercher des sources de croissances et des publics toujours plus différents. La Chine en particulier, marché en pleine maturation va beaucoup compter dans le futur. A tel point qu’on peut s’attendre à un rééquilibrage du marché mondial vers l’Est.
Après une dizaine d’années où le marché a connu des taux de croissance de l’ordre de 20 %, la Chine est devenue le troisième consommateur mondial de produits cosmétiques, juste derrière le Japon et bien sûr les Etats-Unis. Avec une croissance de 17% entre 2011 et 2012 pour atteindre 134 milliards de Yuan en valeur, le marché va de plus en plus peser, notamment pour les grands groupes.
« Les géants mondiaux en première ligne »
L’intérêt des géants du secteur pour le marché chinois date des années 90 et ne s’est pas éteint depuis au contraire. Au travers de joint-ventures (P&G en 1988 à Guangzhou), par des investissements directs (L’Oréal créant un centre de recherche à Pudong en 2005) ou par des rachats d’acteurs locaux (Johnson and Johnson achetant Dabao en 2008), les mastodontes ont su conquérir ce marché particulier, avec des produits chinois et adaptés aux besoins des consommateurs locaux, mais aussi avec leur produits traditionnels, conçu pour plaire au plus grand nombre. SI bien que le marché est aux mains à 60% des compagnies étrangères.
Chiffre d’affaire du marché cosmétique chinois (100mRMB) et croissance
Sources Ministère de l’économie chinois par FUNG
Les producteurs locaux
Cette offensive massive de grands groupes étrangers à fait des victimes dans le paysage national de la cosmétique : les acteurs locaux. Souvent rachetés comme moyen de s’implanter dans un pays très regardant vis à vis des importations, incapables de rivaliser sur le haut de gamme avec leurs concurrents expérimentaux, les entreprises locales, sont limitées très largement au marché de proximité.
Ces quelques 3000 entreprises sont de petite taille, produisent localement pour peu et se placent très largement sur le bas de gamme, là où ils sont le moins désavantagés par rapport aux groupes internationaux.
Un renouveau du haut de gamme à la chinoise ?
Laissé à 80% aux importations étrangères, le haut de gamme est le gros point faible des compagnies chinoises. Certaines entreprises néanmoins ont su outrepasser le handicap de la taille pour devenir performant sur ce secteur très concurrentiel. Shanghai Jahwa, la première entreprise de cosmétique du pays, a pu rester indépendante grâce à la volonté de ses dirigeants de maintenir un contrôle chinois cette entreprise, autrefois propriété de l’Etat.
Ayant connu une croissance de 15,6% en 2011, Jahwa a les moyens, avec son chiffre d’affaire d’un demi-milliard de dollars (1 milliard en 2015(E)), de rivaliser sur ses terres avec L’Oréal, Estée Lauder, Unilever. En proposant des produits à l’image de marque et au design forts, Jahwa a ouvert la voie à d’autres groupes de plus grande taille pouvant espérer reconquérir le marché.
Un des produits phares du lancement en Europe de Jahwa.
Le design est travaillé et spécifique au marché : il utilise une couleur naturelle et des matériaux d’aspect qualitatif.
L’utilisation du signe du Yin et du Yang, très identifiable à une certaine philosophie orientale en occident, participe à la distinction du produit comme un objet sain, héritier d’une sagesse rassurante. Ici le design, plutôt réussi, participe intégralement à la définition du produit, estampillé naturel, bien que plutôt standard dans sa composition.
Avec un grand travail sur le design et la communication et l’aide de professionnels locaux du secteur (Sephora pour la distribution), ce coup d’essai plutôt correctement accueilli, comme un moyen de tester sa capacité d’implantation dans un marché extrêmement mûr et saturé, ne devrait pas rester sans suite et prouve le potentiel du filon de la cosmétique traditionnelle.
Muter et se diversifier
A l’heure actuelle, les acteurs cosmétiques chinois doivent muter pour espérer conquérir des parts de marché à l’international : comprendre avant tout les besoins des consommateurs locaux.
En faisant un effort sur la qualité, le design et l’image de marque de leurs produits, une implantation est envisageable.
L’Occident est à la portée de ces nouveaux groupes, en surfant sur la demande de produits plus naturels, et en accord avec les considérations écologiques
de chacun, en proposant une réelle identité chinoise, liée à des concepts positifs, et surtout, en travaillant conjointement avec des acteurs occidentaux, spécialisés dans l’image de marque et le design.
Le paysage de la cosmétique mondiale va changer du fait de l’importance croissante que va prendre le marché asiatique et donc les demandes des consommateurs d’Asie vis-à-vis des stratégies des cosméticiens. Dans un futur proche néanmoins, la domination du marché devrait rester entre les mains des groupes leaders historiques, L’Oréal, PG, Unilever, Shiseido, ELC. En s’occupant de leur plus grand défi : le design de leur produits, leur image de marque et la valeur ajoutée qu’ils peuvent fournir, de grands groupes chinois ayant reconquis des parts de marché sur leur sol peuvent espérer jouer dans la cour des très grands à long terme.
1996 Premier pied en Chine avec la création de 3 usines en collaboration avec le Suzhou Medical College
2003 Rachat de Mininurse : Mass market bien distribué ( 280000 points de vente fin 2003) 5% du marché skincare, 40 m€ de ventes
2004 Rachat de Yue-Sai à Coty 38 m€ 2003
2005 Pudong, création d’un centre de recherche
Source loreal.com press release 12 11 2003, 23 09 2005
La Chine intérieure et la premiumisation
Aujourd’hui très bien installés sur le haut de gamme et les plus grandes villes du pays, les groupes étrangers s’attaquent à d’autres sources de croissance : les villes d’envergure intermédiaire et petite. Avec l’explosion du pays et la taille croissante de la classe moyenne, les leaders jouent sur la premiumisation du marché et la demande grandissante pour des produits statutaires et de qualité pour augmenter leurs bénéfices et leur renommée en Chine.
L’espoir
Le pays est donc l’objet de tous les espoirs et toutes les attentions des groupes mondiaux qui se sont tous implantés et pour certains ont commencé à développer des centres de recherche locaux, exemple de L’Oréal et Unilever. Bien qu’attendant un léger ralentissement mécanique, la Chine va continuer à prendre une place croissante dans le paysage mondial de la cosmétique
Une réglementation se durcissant ?
Malgré ses airs de paradis pour les affaires, la Chine est un pays où il est difficile de s’implanter et où les barrières à l’entrée sont importantes.
La dynamique est à la reconquête du marché par les entreprises locales, en tout cas dans une certaine mesure. Et certaines réglementations pourraient faciliter cette tâche. En triplant les taxes sur le parfum en 2012, la SFDA a envoyé un message fort. L’instauration d’un contrôle plus sévère sur les nouveaux ingrédients avait déjà été préjudiciable aux lancements des acteurs étrangers en de 2010 à 2012. Les autorités sanitaires du pays ont d’importants moyens de levier et ont tout loisir de modifier le marché en profondeur.
La Chine n’a pas l’intention de laisser son marché vampirisé par des investisseurs étrangers et, l’ouverture de grandes zones duty-free visant à enrayer l’habitudes des chinois d’effectuer leurs achats de produits de luxe à l’étranger va également dans ce sens.
Et l’international.
La prise de parts de marché sur le sol chinois est le seul objectif affiché par les cosméticiens locaux. Il va sans dire que, déjà en difficulté sur leur propre marché, les entreprises chinoises ont beaucoup de mal à s’imposer en dehors de leurs frontières.
Leur plus gros problème est leur image de marque. Après plusieurs années entachées de scandales sanitaires, les produits chinois ont mauvaise réputation en Occident. Presque exclusivement de bas de gamme, les produits chinois ne font pas l’unanimité et sont souvent à tort, synonymes de produits mal conçus, ou de mauvaise qualité.
Cette réputation n’est pas une fatalité, les produits japonais avaient par exemple une très mauvaise réputation aux Etats-Unis dans les années 70, mais elle est dans l’immédiat rédhibitoire à l’invasion, tant crainte et fantasmée dans d’autres secteurs, des produits cosmétiques asiatiques
Des signes encourageants
Néanmoins, Jahwa encore a réussi à faire distribuer une de ses marques phares en France, par l’intermédiaire des magasins Sephora. La gamme Herborist jouant sur les codes de l’art millénaire de la beauté en Chine, a ainsi fait son apparition sur les étales de l’hexagone. Ils ont connu un certain succès d’après son fabricant, mais n’ont pas fait trembler L’Oréal et LVMH.